SUD OUEST – Histoire et patrimoine : dans l’île de Ré, « un grand potentiel de découvertes »

Article publié dans Sud Ouest le 8/06/2024

Sud Ouest – le 08/06/2024

Le travail mené par l’association Île de Ré Patrimoine ouvre la voie à des recherches de grande ampleur sur le siège de l’île (1625-1627)

Indalecio Alvarez (au centre), président d’Île de Ré Patrimoine, entouré par les enseignants-chercheurs du comité scientifique et par des représentants du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, jeudi 6 juin à Ars-en-Ré. © Crédit photo : F. Z.

Près de 150 personnes réunies dans la salle des fêtes d’Ars-en-Ré, juste par le bouche-à-oreille. C’est dire si les découvertes de l’association Île de Ré Patrimoine suscitent un intérêt au niveau local… et bien au-delà. En témoigne le panel de chercheurs constituant le comité scientifique du projet, venus spécialement, jeudi 6 juin, participer à la toute première présentation des travaux sur les batailles du siège de Ré.

À commencer par Benjamin Deruelle, professeur d’histoire à l’université du Québec à Montréal, accompagné de Frédéric Auger, étudiant québécois qui prépare une thèse sur les événements de 1625-1627. Mais aussi Pauline Lafille, maîtresse de conférences en histoire de l’art à l’université de Limoges, et Mathieu Vivas, enseignant-chercheur en histoire et archéologie à l’université de Lille. Chacun, à l’aune de sa discipline, a confirmé le « grand potentiel de découvertes » (dixit Benjamin Deruelle) des éléments mis au jour par l’association rétaise, présidée par Indalecio Alvarez, journaliste franco-argentin à l’AFP et Arsais d’adoption.

Une piste cyclable passe aujourd’hui sur le « chemin des Anglais », par où l’armée de Buckingham a battu en retraite avant d’être taillée en pièces. (F. Z.)

« Il faut voir les événements de l’île de Ré à l’échelle de l’Europe »

Ce dernier a retracé la genèse du projet, « complémentaire » des commémorations du siège de l’île de Ré que prépare la Communauté de communes. Les passionnés d’histoire d’Île de Ré Patrimoine ont d’abord dû déjouer certains pièges, corriger les erreurs commises au XIXe siècle par Eugène Kemmerer ou par l’Inventaire des Monuments historiques. C’est ainsi que le site exact de la bataille du pont du Feneau, où de 3 000 à 3 500 soldats britanniques ont été massacrés, a été localisé dans les marais salants de La Couarde-sur-Mer. La réapparition du tableau de La Hyre en 2009, « La Défaite des Anglais en l’île de Ré le 8 novembre 1627 », acquis par le musée de l’Armée, a apporté « une contribution décisive » selon Pauline Lafille, pour qui l’analyse des images documentaires a encore beaucoup à nous révéler.

C’est ici, dans les marais salants de La Couarde-sur-Mer, que l’association a localisé l’endroit exact de la bataille du pont du Feneau. (F. Z.)

« Rien à construire »

La fin du siège de Ré « a scellé le sort de La Rochelle », souligne Frédéric Auger, qui replace cette tragédie dans le contexte géopolitique du XVIIe siècle, marqué par les affrontements des grandes puissances : Angleterre, France, Espagne, Provinces Unies. « Il faut voir les événements de l’île de Ré à l’échelle de l’Europe », affirme Benjamin Deruelle.
L’association estime que les découvertes peuvent avoir un fort retentissement outre-Manche, ne serait-ce que par le charisme d’un acteur de l’époque, le duc de Buckingham. Il faut aussi considérer, explique Benjamin Deruelle, que la défaite des Anglais à l’île de Ré, puis lors du siège de La Rochelle en 1628, ont « contribué également à saper les relations entre le parlement et la monarchie, jusqu’à l’explosion de la première révolution anglaise, en 1642. »

« C’est une histoire qui a bouleversé nos deux pays », signale Indalecio Alvarez, qui porte avec l’association un projet d’arc mémoriel, qui tracerait un parcours de visite des sites historiques autour de la réserve naturelle du fier d’Ars. « Il n’y a rien à construire, rien à bâtir », assure le président, soutenu par la Région et le Département.

Le projet d’arc mémoriel de l’association Île de Ré Patrimoine. (ILE DE RE PATRIMOINE)

Reste, avant cela, à laisser parler le sol rétais. Mais il faudra patienter, sans doute jusqu’en 2026, pour mener des fouilles archéologiques. « Il y a un calendrier à respecter, prévient Mathieu Vivas. Il faut d’abord évaluer le potentiel archéologique du terrain ».